André et Berthe Noufflard

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Prix Noufflard

Ce Prix biennal est destiné à récompenser un jeune artiste figuratif de moins de 40 ans, s'exprimant au moyen de la peinture à l'huile.

Madame Langweil

1861-1958


La petite alsacienne de Wintzenheim découvrant l'art de la Chine et le révélant à l'Europe, quelle épopée !
M. Angelloz, recteur de l'Université de Strasbourg, 1964.

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Mme Langweil, la mère de Berthe, était une personnalité exceptionnelle. Malgré des origines très modestes, elle parvint, grâce à une énergie et une force de caractère peu communes ainsi qu'à une intuition remarquable, à s'imposer dans le marché parisien de la fin du XIXe siècle comme une des plus grandes spécialistes de l'art extrême oriental. L'ambiance de beauté et le milieu d'artistes et d'amateurs dans lesquels Berthe fut élevée jouèrent certainement un très grand rôle dans sa vocation et ses débuts de peintre. De plus la très grande générosité de sa mère permit à Berthe, ainsi qu'à André plus tard, de se consacrer tout entiers à leur art sans soucis financiers tout au long de leur vie.

Florine Ebstein naquit le 10 septembre 1861 à Wintzenheim, près de Colmar, dans une famille juive et pauvre. Devenue orpheline, elle vint habiter à Paris, vers 1881, chez une cousine qui tenait une petite pâtisserie alsacienne. C'est là qu'elle rencontra puis épousa Charles Langweil, un Autrichien de bon milieu, qui tenait un magasin d'antiquités et avait 25 ans de plus qu'elle. Il l'abandonna huit ans après, la laissant avec deux petites filles et un magasin criblé de dettes

Image flottanteMalgré son peu d'expérience et d'instruction, elle fit face courageusement et reprit l'affaire en main. Passionnée par l'art japonais, elle décida, première
« intuition géniale », de spécialiser le magasin dans cet art. Très vite, son travail, sa ténacité et un flair indéniable lui permirent de redresser et d'établir solidement la réputation de sa maison qui allait bientôt devenir l'un des premiers centres artistiques parisiens de l'époque. D'abord installée au fond d'une cour, 4 boulevards des Italiens, elle acheta ensuite en 1903 un bel hôtel particulier place Saint-Georges où se pressèrent bientôt les amateurs toujours plus nombreux : artistes, collectionneurs, savants et gens de goût, personnalités de l'Europe entière ou millionnaires américains.

L'art chinois prit une place de plus en plus importante dans ses collections. Comme toujours elle n'achetait que des pièces de premier ordre, qu'on lui envoyait de Chine, « de plus en plus anciennes à mesure qu'on les découvrait, à mesure qu'on s'y intéressait
davantage, » se souvient Berthe dans La maison d'affaires de Mme Langweil. « Et les artistes, les gens du monde, les grands personnages, alors que ces beaux objets devenaient à la mode, décoraient leurs demeures de beaux laques, de précieuses porcelaines et de jades.(…) En 1910 arrivèrent les premières belles peintures chinoises et les figures de fouilles : terres cuites faites dans le même esprit que les Tanagra. Ma mère organisa deux expositions en 1910 et 1911 de ces peintures et de ces figurines chez Durand-Ruel, qui attirèrent une grande affluence et firent l'effet d'une découverte. Anatole France aimait particulièrement deux portraits d'un beau style, un homme et une femme, et Rodin acheta toute une vitrine de statuettes. Les grands musées-on peut bien dire du monde entier- furent clients de cette maison. Il n'en est pas, je crois, qui ne possèdent des objets qui en proviennent. De célèbres collections américaines aussi, entrées aujourd'hui dans les musées des États-Unis. De même on en trouvait dans ceux de Hambourg, de Düsseldorf, au musée Steiglitz de Saint-Pétersbourg, etc. la reine Marie de Roumanie, le roi Alexandre de Serbie, le grand-duc Paul et sa femme, le grand-duc Alexis venaient voir et acquérir de ces objets. Les gens les plus divers ont fréquenté cette maison : Henri Rochefort et Robert de Montesquiou, M. Groult et Henri de Régnier par exemple. La Loïe Fuller et Jeanne Granier, Gertrude Stein, Edmond Rostand, d'Annunzio… Surtout, il y eu les grands habitués de la maison, nos fidèles amis : le professeur Fournier, son fils et sa femme, les frères Rouart, Henri Rivière, Jean-Jacques Reubell, M. Gratien qui aimait les jades « sans défaut » et les beaux Corot, M. Mutiaux au goût exquis. Souvent on y voyait la marquise de Ganay et sa soeur la comtesse de Béhague qui s'amusaient tant à venir « déballer » quand arrivaient les caisses de Chine, Mme Pierre Girod, nos amis Jacques-Émile Blanche. Et beaucoup d'autres venus de milieux et de pays très divers furent intéressés et touchés par cette activité. Le pape lui-même, Pie XI, demanda un jour l'avis de ma mère sur les collections du Latran. »

Un jour arrivèrent de Chine deux extraordinaires pièces, un grand paravent à fond d'or puis un autre à décor d'arbres, de nuages et d'ibis, deux laques de Coromandel, dont on ne connaissait alors et dont on ne connaît encore aucun équivalent. Mme Langweil ne voulut jamais s'en séparer ( répondant : « You are not rich enough » à la proposition du millionnaire Pierpont-Morgan ) et les garda toujours dans ses collections personnelles.

En 1913, Mme Langweil annonça, à la consternation générale, qu'elle avait décidé de se retirer des affaires. Dans son article « Fin d'un rêve d'art », Arsène Alexandre lui rend cet hommage en première page du Figaro du 11 novembre 1913 : « Mme Langweil ne se lassait pas de signaler l'intérêt et la beauté des pièces antiques, la profondeur de l'art des Ming et des Soung, en un mot de prédire l'avenir de ce passé !… Et il faut se résigner à ne plus voir que peu de temps ce décor et cet amoncellement de prestiges. Mme Langweil estime que son rôle d'initiation est terminé… Il n'y a qu'à s'incliner, à enregister le rôle prépondérant qu'elle aura joué dans le mouvement artistique de cette époque… »

En 1914, elle s'installe rue de Varenne dans le bel hôtel ancien qu'elle vient d'acheter et où, hormis les années de la seconde guerre, elle habitera jusqu'à sa mort. Dans les grands salons décorés par le maréchal Lannes, elle s'entoure des plus belles pièces de ses collections, celles qu'elle n'avait jamais voulu vendre. Celles-ci furent miraculeusement protégées pendant la guerre, une partie au musée Guimet, une autre, restée rue de Varenne, sauvée par le courage des gardiens, et toutes les caisses saisies en 41 par les Allemands purent par la suite être restituées, revenues d'Allemagne non ouvertes, par la Commission alliée de récupération.

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Dans ce qui peut être considéré comme la deuxième partie de sa vie, jusqu'à sa mort en 1958, presque centenaire et toujours vaillante, Mme Langweil consacra une grande partie de ses activités à son pays natal, l'Alsace, qui était toujours resté proche de son coeur. Pendant la guerre, outre son action en faveur des réfugiés belges et autres combattants, elle fonde en 1915 et installe rue de Varenne l'œuvre de La renaissance des foyers en Alsace, qui veut aider par le travail les Alsaciennes évacuées et au profit de laquelle elle organise chez elle, en 1916, une exposition de Peintures et oeuvres d'art anciennes de la Chine et du Japon tirées des plus célèbres collections de Paris, qui remporta un grand succès. En 1921, elle reçoit en Alsace la croix de la Légion d'honneur pour son action pendant la guerre – elle sera Officier en 1935.

La paix revenue, Mme Langweil, se souciant des musées d'Alsace, participe à l'organisation, en 1922, d'une importante exposition, Cent ans de peinture française d'Ingres au Cubisme, qui a pour but d'acheter des tableaux français pour le musée des Beaux-Arts de Strasbourg. Plus tard elle fera d'importants dons à ces musées, en particulier ceux de Strasbourg et de Colmar qui ont chacun des Salles Langweil.

Mais la grande oeuvre de sa vie fut le Prix de français en Alsace, né de « l'intuition géniale » qu'elle eut avec son ami Jean-Jacques Waltz, « l'oncle Hansi », du fait que la question d'Alsace au lendemain de l'armistice était avant tout « une question de langue ». Dès 1923, distribution de livres aux enfants, de médailles aux enseignants, par Mme Langweil elle-même, « la bonne fée d'Alsace », dans les villages en fête et une ambiance patriotique autour du 14 juillet. A l'exception des années de guerre – et quelle liesse marqua le retour de celle de 1945 ! – Mme Langweil présida personnellement aux Distributions jusqu'en 1947 et les suivit de près jusqu'à sa mort. Le prix fut ensuite repris par l'Académie de Strasbourg avec, aujourd'hui encore, remise solennelle par le Recteur.

Les magnifiques collections personnelles de Mme Langweil ne furent dispersées qu'après sa mort, au cours de trois grandes ventes, à la galerie Charpentier et à Drouot, en juin 1959. Le « paravent d'or » fut acquis par le Rijksmuseum d'Amsterdam mais celui au décor d'arbres et d'ibis fut offert au Musée Guimet qui l'avait caché pendant la guerre. Il y figure aujourd'hui tout en haut de la rotonde.

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